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La vie d'antan
23 mars 2010

Comme ils sont grands, ces petits !

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Au coin du feu

 

Les soirs d'hiver, à l'heure triste où la nuit vient, les grands-parents avaient coutume d'allumer le feu à la cheminée. Après le repas, alors que le vent soufflait sous la porte malgré le sac roulé en boudin qui était mis sur le seuil, Bernard s'installait près de la cheminée et ne sentait plus le froid. Alors que le vent s'acharnait sur les volets et gémissait dans la nuit, le garçon tendait ses pieds vers les flammes et oubliait toute la froidure du dehors. Il se sentait  envahi d'une douce chaleur. Le chien Moustic venait se coucher à ses pieds.

Bernard était le premier à s'asseoir près de l'âtre car pendant ce temps ses grands-parents finissaient la vaisselle. Grand-mère avait apporté une bassine d'eau bien chaude qu'elle plaçait sur un tabouret près de la table. A mesure qu'elle posait sur la nappe verres, assiettes couverts casseroles, grand-père, avec le torchon, essuyait. Parfois le lavage se faisait sur la bassie : pierre d'évier encastrée dans une niche du mur et qui s'égouttait dehors.

Bernard lisait dans la pénombre, il dévorait actuellement les livres de la bibliothèque  verte : La Roche aux mouettes et Les compagnons de l'aubépin qu'il avait pris à l'école. Il expédiait sans forcer les affaires courantes : leçons, problèmes, grammaire pour se laisser tenter par les illustrés comme Jim La Jungle et petit Riquet ou par Mécanique populaire et science et vie qui traînaient dans les armoires. Il retrouvait aussi toujours avec délectation ses premiers directeurs de conscience : Filochard, Ribouldingue et Croquignol.

L'oncle Paul, en arrivant, alluma la lampe.

- Alors, on veille les morts, là-dedans !

Il approcha une chaise près de la cheminée et pris une brassée de fagots qu'il jeta dans l'âtre et agaça le feu avec le tisonnier. Aussitôt, les flammes s'enflèrent, s'enlaçèrent, grimpèrent et se mirent à danser et à jouer entre elles.

Elles illuminaient toute la pièce au moment où les grands-parents, arrivaient avec leurs chaises. Ils n'avaient pas manqué d'éteindre l'unique ampoule au-dessus de la table, celle qui avait une douille voleuse permettant de brancher le fer électrique quand elle voulait repasser.

- C'est le progrès disait grand-mère qui, l'hiver malgré tout, se servait de ses vieux fers toujours en attente sur la cuisinière.

- C'est beau le progrès, rajoutait-elle, mais c'est ce qui nous tuera !

Bernard la voyait souvent, ramasser sur le fourneau, un fer, avec un torchon dans la main. Elle l'approchait de sa joue puis crachait sur la semelle pour savoir si c'était bien chaud. Sa salive roulait sur le fer comme du mercure.

Le beau feu clair qui pétillait joyeusement avec des sifflements  faisait monter et courir le long des murs de la pièce les ombres allongées des choses. Les ombres, mettaient des reflets roses sur l'antique maie de chêne, sur le buffet massif, sur l'ample armoire de poirier. Même la caisse à bois rougeoyait par instant.

Le feu apportait une agréable chaleur et aussi... une odeur de laine roussie. Certainement les chaussettes de Paul qui séchaient en fumant !

- Aujourd'hui, on a eu froid au marché ! dit-il en ramenant les jambes vers sa chaise.

Certains soirs, le grand-père racontait une histoire et Bernard adorait cela.

- << Mon voisin avait un commis qui était sale comme un cochon. Un jour quelqu'un vint le voir. Il était justement à la porcheie. Le patron dit aux gens : << allez donc le voir, il est au milieu des gorets, vous le reconnaîtrez bien, c'est celui qui a la caquette ! >>

Après quelques minutes le grand-père en disait une autre. Bernard ne comprenait pas toujours la blague mais il aimait bien quand même.

- Ce commis là, la nuit, il avait intérêt à garder ses chaussettes pour ne pas salir les draps !

Souvent grand-mère intervenait :

- Tu vas arrêter d'embêter ce petiot avec tes histoires. C'est toujours les mêmes !

- Les bons Contes font les bons amis ! répliquait le grand-père et il continuait :

- Puisqu'on parle de comptes, il y a ma voisine qui disait toujours : << la bonne argent : c'est celle qu'on rentre, la mauvaise argent : c'est celle qu'on sort ! >> Elle disait aussi : << Je ne laisserai pas un centime à mes enfants - c'est vrai que je n'en ai pas ! >>...

Roman de Claude Taudin

Comme ils sont grands ces petits

Editions : Encre Violette

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Commentaires
L
Oui, ces soirées a la campagne avaient bien du charme aprés une dure journée de labeur. J ai connu ces revues Mécannique Populaire, science et vie, les livres de la bibliothéque verte. LA radio était écoutée d une oreille attentive, c était l époque du jugement des criminels de guerre a Nuremberg.Des jeux, des feuilletons egayaient la soirée.La Tv ne vint qu en 64.Le poele au bois a fait place au feux de cheminée en 55 sur la demande de ma Mére a cause de la poussiére.<br /> Bonne soirée Latil
La vie d'antan
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