Le temps des boeufs
Le temps des boeufs
Je me souviens du temps où nous avions des boeufs,
Ils allaient lentement sous le Joug, tous les deux,
Tirant de lourds charrois ou labourant la terre
Sous l'aiguillon précis et la voix de mon père.
Je vivais au village et n'avais que dix ans !
Je revois la prairie et nos boeufs si gourmands,
Le nez dans un panier ils étaient au supplice
De ne pouvoir brouter cette herbe tentatrice.
Ils s'aimaient tendrement et se parlaient tout bas,
Marchant flanc contre flanc toujours du même pas,
Courageux dans l'effort, ils faisaient de l'ouvrage
Et prenaient du repos le soir au pâturage.
Ils connaissaient d'instinct les heures des repas;
La pluie et le soleil ne les dérangeaient pas,
Ils étaient plutôt doux, mais un jour de tempête
Je les ai vu courir, me laissant toute bête;
Entraînant la faucheuse à l'autre bout du pré,
Ils prenaient le pouvoir d'agir suivant leur gré.
je suivais sous la grêle en maudissant l'orage
Mon père heureusement, les stoppa sans dommage.
J'aime à me souvenir du joli temps des boeufs!
En haut d'un char de foin l'on rentrait si joyeux
Sur ces doux lits mouvants, je sais que plus d'un homme
Profitait du retour pour faire un petit somme.
Blanche Maynadier